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Apparence trompeuse

 

 

 

 

 

Depuis ma fenêtre, je peux l’observer sans qu’il me voie. C’est une obsession. Je ne raterais ce rendez-vous pour rien au monde. Il est beau, grand, élégant, altier. Il doit être cadre supérieur et l’habitude d’avoir des gens sous ses ordres. Cela se voit, cela se sent.

Chaque matin à 7h45, il tourne le coin de la rue et longe le trottoir d’en face durant deux ou trois cents mètres avant de bifurquer sur la Grande Avenue.

Trois semaines que je l’observe. La première fois, je me coiffais en regardant la rue pour savoir quel temps il faisait. En automne, il n’est pas facile de s’habiller. Un jour, il fait soleil, le lendemain, il pleut.

Ce lundi-là, il faisait gris, rien de spécial. J’allais retourner dans la salle de bain quand je l’ai vu. Un grand monsieur, très élégant. Il portait les cheveux noirs, courts, un pardessus gris, des pantalons noirs et des chaussures cirées noires. Je l’ai trouvé tout de suite beau. Il marchait ni trop vite, ni trop lentement, une démarche assurée et droite. Il était à l’aise, sûr de lui sans être arrogant.

Depuis, je le regarde passer tous les matins. C’est mon stimulant pour attaquer la journée. J’aime ce moment. Je rêve à plein de choses. Je l’imagine dans un tas de métiers, mais j’en reviens toujours aux responsabilités, aux ordres qu’il doit distribuer avec doigté. Je l’imagine parfait, trop parfait. Je le sais bien. C’est la raison pour laquelle je ne fais que l’observer. Son visage est fin sans être émacié, allongé, un nez droit aquilin, une peau claire, nette. Il me manque juste ses yeux, son regard. J’espère toujours qu’il regarde une fois derrière lui pour que j’attrape au vol la pièce du puzzle qui me manque. Je le devine avec les yeux marron de chien battu qui lui donneraient une sensibilité, car il pourrait peut-être paraître froid sans une petite touche de mélancolie.

Aujourd’hui, il fait très froid, les voitures ont leur pare-brise gelé. Mon inconnu porte un long manteau de laine noir. Il est beau ! J’aurais l’impression d’être en sécurité avec lui. La seule chose que je me refuse à imaginer, c’est qu’il est peut-être marié. Dans ma tête, il n’est qu’à moi, ne vit que pour moi. C’est mon prince charmant. Voilà, il a tourné le coin de la rue et je retourne en soupirant dans la salle de bain pour finir ma toilette. J’ai pris congé ce matin car j’ai rendez-vous à 9h00 avec ma banque pour faire un emprunt. Ma voiture m’a lâchée et le garage veut une garantie avant d’entreprendre les réparations, ou de m’en vendre une autre. Me voici à nouveau dans la réalité !

Une heure plus tard, je suis dans la rue et j’emprunte le même chemin que mon bel inconnu. Je tourne le coin de la rue et me retrouve dans la Grande Avenue. Il fait un froid de canard, mais je suis parée. De plus, la banque est à deux pas. Cela fait au moins un an que je n’ai pas vu un conseiller. Tout allait bien jusqu’à ce que ma Twingo me laisse tomber la semaine dernière.

Dans la banque il fait chaud, je m’annonce à la réception et on me fait patienter devant le comptoir. Je prends place dans un fauteuil bien confortable. J’entends un type crier dans ce qui doit être un bureau derrière. Non seulement, il a une voix détestable, mais en plus son langage est grossier. J’ai horreur des gens qui se donnent ainsi en spectacle, même sonore, c’est un manque évident d’éducation et de maîtrise de soi. Celui-ci est particulièrement désagréable. Il est en train d’humilier un employé comme jamais je n’ai entendu cela.

Mon conseiller arrive et me fait suivre dans son bureau. Il ne me semble pas l’avoir déjà vu. Celui qui avait ouvert mon compte trois ans auparavant était plus jeune. Je lui expose mon problème et mes feuilles salaires par la même occasion. Les cris sont plus près que tout à l’heure, le bureau à côté sans doute. Je plains sincèrement la personne qui subit l’assaut verbal de son tortionnaire. Mon interlocuteur fait mine de rien et me prépare un plan pour un petit emprunt. Aucun souci me dit-il, vous pouvez emprunter jusqu’à 10'000 euros. A vous de voir.

Ok, je verrai avec le garage. Je me lève et à l’instant où mon conseiller me raccompagne, la porte s’ouvre violemment sur le bureau « bruyant » et je vois un homme fulminant de colère, les yeux bleus acier brillants de rage et sa bouche s’ouvrant sur un :

- Frank, viens ici !

D’un ton que l’on n’utiliserait même pas pour un chien. Il me regarde tout aussi durement et pour échapper à ce regard, je jette un œil derrière lui. Assis dans le bureau du monstre hurlant, j’aperçois un triste individu, pencher la tête d’un air contrit, rouge de honte. Il porte un affreux gilet rayé rouge et noir sur une chemise grise, il lève la tête et je me sens défaillir en voyant mon bel inconnu. Il a de petits yeux porcins et un regard fuyant. Je me serais bien passée de la pièce manquante de mon puzzle. Il a tout d’une lavette et plus rien de ce que j’avais imaginé. Je sens monter les larmes de déception.

Mon conseiller me ramène à l’entrée en s’excusant poliment pour le désagrément causé. Il ne peut savoir à quel point je me sens désappointée et triste. Ma déception est incommensurable.

Comment peut-on se tromper à ce point-là ?

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                             Christie Jane (Novembre 2004)

 

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