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29 mars 2011 2 29 /03 /mars /2011 15:13

Le thème du concours de la ville de Meyrin était : une odeur...

(J'ai eu un prix de consolation)

 

 

 

 

 

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Une odeur récurrente

 

 

 


 

 

Amélie a déménagé il y a quelques jours seulement et perdu son emploi presque en même temps. Une nouvelle vie commence pour elle.

Soulagée de ne plus sentir cette odeur nauséabonde qui envahissait son ancien logement, elle range ses affaires dans les placards de sa chambre en fredonnant l’air entraînant d’un des tubes de l’été entendu sur les ondes ce matin au réveil.

Il fait un soleil radieux. Amélie respire une fragrance de mimosa en ouvrant les fenêtres de son trois pièces de plain-pied. Les passants sont encore rares à cette heure matinale.

C’est le 5 juillet à Marseillan, commune du département de l’Hérault, situé au cœur du littoral Languedoc-Roussillon, au bord de la Méditerranée.  Il est presque huit heures ce samedi et les seuls piétons vont chercher le journal et leur baguette de pain.

Le marché est à l’autre bout du village. Amélie a choisi cet endroit pour son calme et sa sérénité. La situation au rez-de-chaussée l’a séduite immédiatement pour sa facilité d’accès. Pas de voisin à qui faire la conversation dans les étages. Une paix royale !

C’est une jeune femme de 25 ans très solitaire, voire même sauvage parfois. Elle ne parle pas pour ne rien dire.

Amélie termine d’arranger les coussins sur son lit, passe un chiffon sur les tables de nuit et finit de se préparer dans la salle de bains.

En se regardant dans le miroir, elle se trouve radieuse. C’est sûrement cette journée ensoleillée ou ce nouvel appartement qui embaume le bois et le miel.

Les parquets ont effectivement dû être lustrés avant son arrivée lundi dernier.

Ils brillent et fleurent bon l’encaustique et la cire d’abeille. Doux mélange qui n’est pas déplaisant surtout si Amélie le compare à celui du précédent logis. Pourtant, elle n’arrive pas à occulter un léger relent de ranci qui flotte dans l’air à l’arrière-plan. C’est dans sa tête, ce n’est pas réel, se persuade-t-elle.

Ici au moins, elle espère s’installer pour de bon. Ce serait dommage de devoir partir d’ici. Tout lui plaît.

Sortie de la douche, Amélie entreprend de coiffer ses cheveux blonds humides à la brosse et de les laisser sécher à l’air tiède de cette journée sans vent. L’effluve de son shampooing à la mangue se dissémine dans la petite pièce.

Aujourd’hui, elle se trouve vraiment jolie. Le teint clair, parsemé de petites taches de rousseur sur les pommettes et le nez, fait ressortir ses yeux bleus garnis de longs cils. Sa bouche fine et rieuse s’entrouvre sur de petites dents blanches et bien alignées.

Elle enfile des dessous blancs en dentelle, passe sa robe rose pastel à pois blancs qui souligne sa fine silhouette et ses formes discrètes.

Fin prête, elle se parfume légèrement avec « Fleurs de Citronnier » de Lutens et après un dernier regard dans le miroir, s’en va en emportant son sac à main et ses clés, non sans avoir fermé préalablement toutes les fenêtres.

Dehors, les mimosas répandent toujours leur senteur agréable. Il y a quelques arbustes resplendissants dans de grands bacs. La petite ville est très fleurie. Encore un bon point pour cet endroit.

Elle tourne le coin de la rue et se dirige vers le Magasin de la Presse pour y acheter le journal local. 

Elle espère y dégotter un emploi, ce qui ne devrait pas manquer en ce début d’été. La saison touristique bat son plein et le travail ne manque pas pour ceux qui sont motivés.

Devant l’entrée, elle remarque immédiatement le panneau publicitaire du quotidien « Le Petit Provençal » où le titre du jour s’étale en grosses lettres :

« Encore un squelette découvert sous un plancher à Montpellier »

Amélie entre et prend un exemplaire de la publication sur la pile. C’est justement celle qu’elle voulait acheter.

Une fois sortie du commerce Amélie s’installe à la terrasse du bistrot « L’Occitant » situé sur le même trottoir que la Presse.

Sa commande passée, un cappuccino, elle entreprend de lire sa gazette : « Le squelette qu’ils ont découvert devait être sous le parquet depuis deux ans » relate l’article. « Les enquêteurs pensent qu’il s’agit d’une femme d’une quarantaine d’années comme les autres. C’est la quatrième découverte en un an dans le département. »

Le canard ne mentionne rien d’autre d’important. Le sujet est rédigé en grandes phrases inutiles et dramatiques.

Le cappuccino d’Amélie est servi. Il a l’air très appétissant et sent bon le chocolat.

C’est la première fois qu’elle vient dans ce café. Pour l’instant tout la charme, le personnel est souriant, c’est important, elle songe revenir régulièrement.

La page d’offres d’emploi regorge de petites annonces aussi diverses que variées et Amélie n’a aucun mal à en repérer quelques-unes qui lui conviennent.

Sa préférence va à une en particulier : une boutique de prêt-à-porter féminin recherche une employée de vente pour un contrat à durée déterminée de trois mois reconductible.

Amélie paie sa consommation en laissant un pourboire et s’en va en direction de l’adresse du magasin « Olga ». Dix minutes plus tard, elle admire la vitrine où quelques mannequins portent des tenues légères et colorées.

Le style vaporeux plaît à Amélie qui entre dans la boutique et flâne entre les rayons. Il s’y dégage comme une touche de muguet.

Le rapport qualité prix lui semble correct et la marchandise est agréable, ce qui ne gâche rien. Pour pouvoir vendre quelque chose, il faut l’apprécier d’abord.

-       Je peux vous aider ? demande une femme quadragénaire, vêtue dans le genre de la boutique.

-       Oui, j’ai vu votre annonce dans « Le Petit Provençal » et je suis intéressée par le poste.

Amélie pressent que cette femme est la patronne. Une prestance et une autorité naturelles se dégagent d’elle ainsi que son parfum « Diorissimo » de Christian Dior, dont la note de tête est bien le muguet.

-       Je suis Madame Lescure, la propriétaire de cette boutique. Venez derrière, nous pourrons discuter tranquillement.

Plus tard, en sortant du commerce, Amélie a le cœur léger. Elle a trouvé du travail en moins de deux heures !!! Elle commence dès le lundi suivant.

Sur le chemin du retour Amélie s’entraîne à détecter chaque arôme qui parsème son parcours, comme elle s’amuse à le faire souvent depuis ces quatre dernières années. Elle est passée maître dans cet art du nez. Son odorat est infaillible ou presque…

En ouvrant la porte de son appartement, quelque chose de désagréable frappe ses narines.

Oh, non ! se dit-elle. Cela ne va pas recommencer !

Elle entreprend le tour de chaque chambre en humant l’air. L’émanation de chair en décomposition est plus prononcée dans la chambre à coucher. C’est bizarre parce que d’habitude c’est dans la cuisine qu’elle flaire cette odeur de putréfaction.

Soit sa mémoire lui joue des tours, soit il y a autre chose. Elle ouvre toutes les fenêtres et se laisse tomber dans le fauteuil du salon, découragée.

Peut-être devrait-elle rappeler le docteur Thomas.

Lorsque qu’elle avait suivi sa deuxième thérapie, il y a quatre ans, elle avait tenu plus longtemps dans ses habitations.

Cette fois-ci pourtant elle a une impression différente comme si l’effluve de la chambre est bien réelle.

Ténue mais réelle.

Dans ses souvenirs le relent de cadavre était moins âcre, plus fantomatique.

Elle se revoit soudain dix-sept ans en arrière, frappée de plein fouet par son passé si présent aujourd’hui.

Etre enfermée durant plus de deux semaines en compagnie des corps de ses parents à l’âge de huit ans n’a rien d’un souvenir agréable. Son père ivre avait tué sa mère à coups de couteau dans le ventre et s’était ensuite suicidé avec un mélange d’alcool et de médicaments. Amélie était si traumatisée et choquée qu’elle était restée dans cet environnement de mort sans chercher à partir, l’odeur devenant de jour en jour plus insupportable. Les voisins, alertés par cette puanteur indéfinissable et écoeurante avaient appelé la police.

Depuis Amélie perçoit cette exhalaison dans toutes les demeures où elle loge, au bout de quelques semaines ou de quelques mois.

Mais aujourd’hui, cela fait seulement une semaine. C’est inquiétant. Elle pensait qu’elle était en bonne voie de guérison.

Sa thérapie avec le docteur Thomas avait l’air de bien fonctionner. Elle a aiguisé tous ses sens olfactifs. Amélie a dû lui rendre des comptes sur tous les arômes de chaque matière, de chaque fleur, de chaque personne, de chaque journée, elle est devenue infaillible en la matière.

Elle décide de ne pas se laisser aller et de téléphoner à son psychiatre pour prendre un rendez-vous. Il est à Béziers, à trente kilomètres et vingt-cinq minutes de Marseillan.

Au moment de décrocher son téléphone, la sonnette d’entrée retentit.

Amélie va ouvrir et deux inspecteurs en civil se présentent et demandent à entrer. Après avoir jeté un œil sur leur carte de police, elle les laisse pénétrer dans son appartement. Une fragrance rafraîchissante de menthe et de vétiver émane du policier qui prend la parole.

-       Voilà, Madame, nous n’allons pas y aller par quatre chemins. Ce que nous allons vous annoncer n’est pas forcément agréable pour vous. Nous enquêtons sur l’affaire des squelettes découverts dans la région Languedoc-Roussillon depuis plus d’un an. Nous avons arrêté quelqu’un qui prétend avoir enterré un cadavre dans cet appartement il y a six mois environ. Nous venons donc vous informer qu’un groupe de professionnels va venir d’ici quelques minutes pour confirmer les dires de cette personne. Nous vous prions d’ores et déjà de nous excuser pour tous les désagréments qui en découleront. Naturellement, nous  vous proposons un hébergement à l’hôtel à nos frais jusqu’à la fin des recherches et il est bien entendu que si elles sont infructueuses, vous pourrez dès ce soir regagner votre logement.

Amélie, soudain détendue, répond avec un grand sourire :

-       Messieurs, veuillez m’excuser, mais comme je pressens un long séjour à l’hôtel, je vais aller préparer mes affaires.

Elle s’éclipse dans sa chambre en effectuant un petit pas de danse, plus heureuse que jamais.

Les inspecteurs, étonnés mais ravis de la réaction positive de cette jeune femme téléphonent à leur équipe d’investigation pour qu’elle vienne au plus vite.

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                Christie Jane (Août 2004)


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